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Bousbir, à Casablanca, la plus grande maison close à ciel ouvert du monde sous le protectorat

Bousbir, à Casablanca, la plus grande maison close à ciel ouvert du monde sous le protectorat


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Entrée du quartier réservé à la prostitution : la porte de Bousbir vue de l’extérieur. Carte postale, années 1930.

A Casablanca, tout le monde connaît son nom, mais personne ne semble avoir envie de se souvenir. La peur, sans doute, de faire ressurgir les fantômes du passé. Soixante-six ans après l’indépendance du Maroc, que reste-t-il dans la mémoire collective de Bousbir, ce quartier réservé à la prostitution conçu par l’administration française sous le protectorat ? Si le terme sert aujourd’hui d’insulte (« bousbiria », « fille de Bousbir »), on préfère souvent taire l’existence de ce qui fut, entre 1923 et 1955, la plus grande maison close à ciel ouvert du monde. Et, pour les historiens, l’une des pages les plus sombres de l’histoire coloniale.

Ses vestiges, pourtant, existent toujours. Quelque part dans le quartier de Mers Sultan, l’un des plus anciens de la métropole. C’est ici, au milieu des dédales de souks, que surgissent de grands murs d’enceinte blancs, comme une forteresse aux secrets bien gardés. Aucune inscription, aucune indication, ne fait référence au passé de ce lieu. D’ailleurs, mieux vaut ici ne pas prononcer le nom de « Bousbir ». « Les gens préfèrent dire “le 17arrondissement” », prévient un marchand ambulant d’oranges devant la porte historique de l’ancien quartier réservé, s’empressant d’assurer, si on en doutait, que celui-ci « n’est plus en service. Maintenant, c’est propre ici ».

Preuve que le sujet reste sensible au Maroc, une exposition qui se proposait de retracer l’histoire de Bousbir à la Villa des arts de Casablanca en novembre 2021 avait été brusquement déprogrammée la veille du vernissage, pour « des raisons de force majeure », sans autre explication. « La peur du scandale sans doute », veut croire Jean-François Staszak, chercheur à l’université de Genève à l’initiative du projet avec Raphaël Pieroni, tous deux auteurs de l’ouvrage Quartier réservé (éd. Georg, 2020). « Même si la responsabilité est entièrement du côté français, Bousbir reste un tabou pour les Marocains, un sujet de honte. Ils n’ont pas envie de revenir sur cette histoire et c’est leur droit. »

Un an plus tard, l’exposition est reprogrammée, cette fois à l’université de Genève, du 22 novembre au 20 janvier 2023. Images, films, documents et maquette de l’exposition donnent à voir le Bousbir des années 1930 : un « parc à thème érotico-exotique », comme le qualifient les deux chercheurs genevois. Avec son décor des mille et une nuits, son architecture néomauresque, tout avait été conçu pour refléter l’imaginaire orientaliste et vanter les charmes exotiques des femmes marocaines mises à disposition des colons.

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