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Au Sénégal, « Docteur Drone » veut rendre le télépilotage accessible à tous

Au Sénégal, « Docteur Drone » veut rendre le télépilotage accessible à tous


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Un stagiaire en formation de maniement de drone au stade Ngor de Dakar, en novembre 2022.

Sur le bord de la pelouse synthétique du stade Ngor de Dakar, quatre stagiaires, télécommande à la main, font voler des drones à basse altitude. Ils doivent réussir à les faire passer entre des cônes orange, sous l’œil avisé de leur formateur, Mamadou Wade Diop. « Cet exercice les met dans des situations réelles avec une série d’obstacles dans le but d’acquérir des réflexes une fois sur le terrain », explique l’instructeur, tout en surveillant les rapaces et corbeaux qui tournent autour des petites machines volantes.

Grâce à sa passion qu’il cultive depuis 2013, Mamadou Wade Diop a gagné le surnom de « Docteur Drone ». En 2021, il s’est associé à la société française Minute Drone afin de proposer au Sénégal des formations certifiantes en télépilotage.

« D’abord autodidacte, j’ai appris sur Internet comment bidouiller des drones », explique le jeune homme de 35 ans, qui avait déjà des bases techniques grâce à sa formation en informatique et électromécanique. Il est même parvenu à fabriquer son propre modèle « made in Sénégal », capable de pulvériser des produits contre la reproduction des moustiques pour lutter contre paludisme.

Originaire d’un quartier populaire de Mbour, ville de pêcheurs à quelque 80 kilomètres au sud de Dakar, l’informaticien a voulu se professionnaliser en 2015 en créant sa société, Azerty Solutions. Photogrammétrie, prise d’images professionnelles, réparation, maintenance, location et vente de drones… Mamadou Wade Diop sait tout faire. « Je suis obligé d’être polyvalent car il n’existe pas encore de réel écosystème au Sénégal », explique-t-il.

Un programme de formation autorisé et reconnu

Dans le pays, le cadre réglementaire a commencé à évoluer. Depuis 2014, un arrêté ministériel interdit « l’utilisation en public de caméras de drones à des fins personnelles ou professionnelles ». Mais en 2018, le pays s’est doté d’une législation qui encadre leur utilisation : les télépilotes doivent être certifiés selon des normes reconnues par l’aviation civile sénégalaise et obtenir une dérogation du ministère de l’intérieur. « Mais la plupart des gens qui en font voler n’ont ni les autorisations ni la dérogation pour filmer », constate M. Diop.

Lui-même a piloté des drones sans détenir de certification entre 2013 et 2017. « C’est l’éternel problème du visa en France qui m’a bloqué », explique-t-il, car aucune formation reconnue n’était alors disponible sur le territoire sénégalais. Il passera finalement en 2017, au Sénégal, sa certification de télépilote professionnel, payée par la société britannique pour laquelle il travaillait.

Mamadou Wade Diop au stade Ngor de Dakar, en novembre 2022.

Instruit par sa propre expérience, le passionné a voulu créer une formation au Sénégal afin de « donner les mêmes chances aux jeunes de Tambacounda ou Kédougou qu’à ceux de Paris ou New York ». Un projet qui a tout de suite plu à Andrey Gatsov, son associé venu de France. « Nous avons vu le potentiel au Sénégal et en Afrique, mais nous ne connaissions pas les réalités locales. Travailler avec Mamadou Wade Diop nous aide à nous implanter d’abord ici puis nous visons la sous-région », explique le formateur qui a déjà six ans d’expertise en télépilotage de drone.

Leur société Minute Drone Dkr a développé un programme de formation autorisé et reconnu par l’Agence nationale sénégalaise de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim). Les stagiaires suivent un mois de cours théoriques pour apprendre la réglementation puis ils s’entraînent pendant cinq jours de pratique intensive. « Par exemple, les télépilotes doivent savoir qu’ils n’ont pas le droit d’aller vers des terrains militaires ou de voler au-dessus d’une personne, car cela peut présenter des dangers », explique Andrey Gatsov.

De nombreux débouchés

Le regard rivé sur un petit engin blanc avec quatre hélices qu’il fait décoller, Mohamed Barry, stagiaire en formation et vidéaste dans l’audiovisuel, explique avoir surtout appris lors des cours théoriques. « J’ai ma propre société de production audiovisuelle et je faisais déjà voler un drone depuis deux ans, mais un client institutionnel m’a demandé une certification pour travailler avec eux », explique le jeune homme. Il espère qu’en se professionnalisant, il pourra aussi faire évoluer ses prix car la formation coûte cher, près de 1 500 euros. « Mais c’est important pour l’avenir », estime-t-il.

Cet investissement peut rapidement être rentable car les débouchés sont nombreux : multimédia, photogrammétrie, cartographie, topographie, agriculture de précision qui utilise la technologie pour augmenter les rendements, inspection des chantiers, des lignes haute tension, des mines et des plates-formes pétrolières.

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« Très tôt, j’ai vu les opportunités que les drones pouvaient offrir dans des métiers de pointe, qui demandent des certifications et le respect des normes », commente Mamadou Wade Diop, qui propose des formations de base ainsi que des spécialités selon les domaines. Un volet est ainsi réservé aux forces de défense et de sécurité comme les douaniers ou les agents de police, qui ne sont pas régis par l’aviation civile mais militaire.

La société a aussi offert dix places de formation à des jeunes du village de pêcheurs de Ngor à Dakar et elle souhaite faire la même chose avec dix jeunes de la ville de Mbour. « Ces communautés font face aux mêmes problématiques de la rareté du poisson et de l’immigration clandestine », explique Mamadou Wade Diop, qui a lui-même perdu des amis, morts dans des pirogues en route pour l’Europe. « Nous savons que la demande est forte et que le marché n’est pas saturé, je veux montrer qu’il y a des opportunités chez nous », ambitionne « Docteur Drone ».

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