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A Paris, le « Sacre » des danseurs africains

A Paris, le « Sacre » des danseurs africains


La chorégraphe franco-sénégalaise Germaine Acogny, à Paris, le 12 septembre 2022.

Elle est « la mère de la danse contemporaine africaine » et c’est non sans fierté que Germaine Acogny regarde des danseurs formés dans sa célèbre Ecole des Sables, au Sénégal, être ovationnés à Paris dans le Sacre du printemps de Pina Bausch. Trente-six danseurs venus des quatre coins de l’Afrique, dont beaucoup issus de son école, présentent jusqu’à fin septembre une interprétation de haut vol du ballet sur la célèbre musique d’Igor Stravinski, programmé par le Théâtre de la Ville à La Villette (nord-est de Paris).

L’idée de ce Sacre africain naît lorsque Salomon Bausch, fils de l’éminente chorégraphe allemande et directeur de la fondation qui porte son nom, voit Germaine Acogny danser à Bruxelles un solo signé Olivier Dubois, Mon élue noire – Sacre #2, inspiré justement de la célèbre œuvre. « Il avait également vu des danseurs africains formés à l’Ecole des Sables et avait trouvé le niveau excellent. Il m’a émis l’idée de leur transmettre le Sacre », créé en 1975 pour le Tanztheater Wuppertal (la compagnie de Pina Bausch en Allemagne), se rappelle la chorégraphe franco-sénégalaise de 78 ans dans un entretien avec l’AFP. Elle est immédiatement séduite, estimant que le thème du sacrifice et les rituels qui définissent cette œuvre parlent énormément au continent.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés La danse contemporaine africaine se construit à l’Ecole des Sables

Le Sacre du printemps, créé au départ par les Ballets russes de Diaghilev au Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, en 1913, avait provoqué un scandale artistique resté dans les annales tellement l’œuvre, imaginée autour du sacrifice païen d’une jeune fille, a choqué par son avant-gardisme. Parmi les nombreuses recréations, celle de Pina Bausch figure au panthéon du répertoire contemporain. « Quand j’ai vu pour la première fois le Sacre à l’Opéra de Paris, je me suis dit : “C’est africain !”, se souvient Germaine Acogny. C’est le thème, mais aussi la technique, avec ces tremblements du corps, cette énergie tellurique. »

La « fille noire » de Maurice Béjart

Salomon Bausch et son équipe se sont rendus à l’Ecole des Sables, créée en 1998 dans le village de Toubab Dialaw, au sud de Dakar, par Germaine Acogny et son mari, Helmut Vogt. Après une présélection, une centaine de danseurs de quatorze pays africains sont venus à l’école pour être auditionnés et 36 ont été sélectionnés. « On a ouvert à toute l’Afrique, on ne voulait pas être juste dans notre bulle à l’école », assure-t-elle.

Après six semaines de répétitions et de transmission, ils étaient prêts pour ce spectacle coproduit par la scène britannique du Sadler’s Wells… juste avant que la pandémie ne frappe en 2020. Salomon Bausch, qui était sur place avec Malou Airaudo, grande interprète des ballets de Pina Bausch, a alors l’idée, à défaut de première, de les faire danser dans le sable, au crépuscule. Le résultat, saisissant, a donné lieu à une vidéo, avant que le spectacle proprement dit ne tourne en Europe.

« Quand les gens ont vu les danseurs africains, ils ont dit : “Maintenant la compagnie de Pina ne peut plus danser le Sacre, c’est autre chose !” », sourit Germaine Acogny, qui a créé sa propre technique, fondée sur le travail de la colonne vertébrale. « Ce n’est pas juste beaucoup d’énergie mais une intelligence du corps. On a un corps différent et une force intérieure même quand on est juste debout », assure celle que Maurice Béjart, qui avait ouvert une école de danse à Dakar (aujourd’hui fermée) en hommage à son arrière-grand-mère sénégalaise, appelait sa « fille noire ».

La chorégraphe, qui danse elle-même un duo avec Malou Airaudo en prélude du Sacre, estime que la danse africaine, au-delà des danses traditionnelles, « commence à prendre dans certains milieux en Europe, avec plus de visibilité », notamment avec des chorégraphes en vue : les Burkinabés Salia Sanou et Serge Aimé Coulibaly, le Nigérian Qudus Onikeku ou les Sud-Africaines Robyn Orlin et Dada Masilo (qui a elle-même fait sa version du Sacre). « La danse contemporaine africaine se démarque de l’européenne, c’est ça qui est bien. J’ai toujours dit qu’il fallait partir de nos traditions et ne pas copier, rester ce que nous sommes et nous serons respectés », dit-elle.

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Le Monde avec AFP

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