Parvenir à un consensus semblait un peu illusoire. La « mission flash » des députés chargés de plancher sur les superprofits des entreprises ayant bénéficié de l’inflation n’a pas permis de parvenir à des conclusions transpartisanes sur l’opportunité de mettre en place un impôt exceptionnel, auquel le gouvernement est par ailleurs opposé.
Pour travailler sur ce sujet clivant, les élus de la commission des finances de l’Assemblée nationale avaient choisi un curieux attelage, composé du député Renaissance David Amiel, ancien collaborateur d’Emmanuel Macron à l’Elysée, et de celui de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard, proche de Jean-Luc Mélenchon, dans le cadre d’une mission demandée par les oppositions. Au terme de près d’un mois d’auditions avec des dirigeants d’entreprises, des analystes ou des syndicalistes, chacun des deux rapporteurs a formulé sa propre recommandation, mardi 4 octobre.
Les dispositifs de taxation choisis par les autres pays européens, que la mission avait l’ambition d’étudier, ont aussi donné lieu à des analyses divergentes. Les deux corapporteurs partagent néanmoins un « diagnostic », selon lequel les profits de certaines entreprises « peuvent être qualifiés d’exceptionnels en 2021 et au premier semestre 2022 », a admis David Amiel, tandis que Manuel Bompard a cité « Total, dont le profit a été multiplié par deux sur le premier semestre » ou Engie, qui a eu « l’équivalent au premier semestre de son profit sur l’année d’avant ».
Chacun des groupes devrait formuler ses propositions
Sans surprise, David Amiel estime préférable de s’en remettre au dispositif européen en cours d’élaboration à Bruxelles. La Commission européenne entend contraindre les producteurs d’électricité à reverser à l’Etat la différence entre leur prix de production et le prix de marché – sachant que la France dispose déjà d’un mécanisme de ce type qui doit rapporter 20 milliards d’euros en 2023. La Commission prévoit en outre une « contribution temporaire de solidarité » s’appliquant aux producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole. Elle évalue à quelque 140 milliards d’euros les recettes pouvant être tirées de ces deux mécanismes au niveau européen, qui doivent encore être déclinés en droit national. « La bonne question n’est pas tant le niveau de profits que l’usage qui en est fait », a argumenté David Amiel, plaidant pour que les profits dégagés deviennent « de super investissements » dans la transition énergétique plutôt que de « super-impôts ».
Manuel Bompard plaide de son côté pour la création d’une taxe nationale sur les profits de toutes les entreprises dont les bénéfices ont augmenté de plus 25 % par rapport à une période de référence (2017-2019), et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros. Celle-ci viendrait s’ajouter au dispositif européen, limité aux seuls énergéticiens. Il en estime le rendement à 9,2 milliards en 2021 et 20 milliards en 2022. Les grandes entreprises ne payant pas d’impôt sur les sociétés en France, comme l’armateur CMA CGM ou Total, seraient quant à elles taxées sur leurs ventes, « comme en Italie ou comme la taxe GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] en France », a-t-il avancé mardi soir. Les recettes de ces taxes, conçues pour être pérennes, seraient fléchées vers les ménages et les investissements dans la transition écologique.
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