La sécheresse et les fortes chaleurs augmentent le danger que les feux de forêt atteignent des intensités exceptionnelles, comme ceux qui frappent le sud de l’Europe actuellement. Mais la Suisse, en misant sur la prévention et la formation, et grâce à sa topographie particulière, tente de limiter les risques.
L’Espagne, le Portugal et la France, avec deux gigantesques feux de forêt qui ont ravagé des milliers d’hectares en Gironde, ont souffert cette semaine d’incendies exceptionnellement intenses. En cause, les températures élevées, une sécheresse record et des vents forts.
>> Lire: Les feux de forêt au sud de l’Europe sont d’une intensité exceptionnelle
Mais ces réalités climatiques et la hausse du nombre d’événements météorologiques extrêmes ne sont pas les seules responsables de ces catastrophes. « Bien sûr que plus c’est chaud et sec, plus les incendies sont intenses », explique à RTSinfo Boris Pezzatti, collaborateur scientifique à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL. « Mais les incendies sont des phénomènes très irréguliers et les facteurs qui entrent en ligne de compte sont bien plus complexes. »
Il cite notamment l’aménagement forestier et l’utilisation du sol. « Avant, le paysage était davantage géré, car davantage cultivé. Mais avec l’abandon progressif de l’agriculture, la végétation spontanée est devenue plus abondante et se retrouve davantage interconnectée ». Or, pour éviter que les feux de forêt ne se déploient sur une grande surface, il faut que le combustible, donc les arbres, les buissons ou tout ce qui peut brûler, soit suffisamment espacé. « Au sud de la France, il existe par exemple des larges coupures dans les forêts pour stopper la propagation du feu », rappelle-t-il.
>> Voir le sujet du 19h30 sur la sécheresse des forêts:
Une planification raisonnée des constructions
En Suisse, de tels couloirs n’existent pas et le continuum de forêts pourrait aussi engendrer des méga-feux. Mais la topographie du pays joue un rôle pour limiter la propagation des flammes. « En général, les feux partent d’en bas et vont vers le haut des montagnes, ce qui les éloigne des habitations », détaille Boris Pezzatti. Alors que dans les Landes, par exemple, le terrain plat a pu favoriser l’étendue continue de l’incendie.
Avec la sécheresse et l’augmentation des températures, il est possible que les cantons au nord des Alpes soient davantage touchés
« Cela montre aussi l’importance d’une bonne planification des constructions, pour empêcher que les habitations ne soient trop près des forêts. Car c’est à double tranchant: un arbre apporte certes de l’ombre bienvenue en été, mais il peut aussi apporter des flammes », illustre-t-il.
Formation et prévention
Auteur d’une étude sur l’évolution potentielle du danger d’incendie de forêt dans le contexte des changements climatiques, Boris Pezzatti souligne également la nécessité de bien former les équipes d’intervention: « Dans les cantons habitués aux feux de forêt, comme le Tessin, les Grisons ou le Valais, les sapeurs-pompiers savent comment réagir. Mais avec la sécheresse et l’augmentation des températures, il est possible que les cantons au nord des Alpes soient davantage touchés. Il faut donc que les pompiers locaux soient également formés à ce type d’intervention, bien différente d’un incendie d’immeuble par exemple. »
Pour aider les cantons à se préparer et à réagir, l’Office fédéral de l’environnement a d’ailleurs mis en place cette année la plateforme IGNIS, qui permet d’évaluer le danger d’incendie de forêt sur tout le territoire.
Au niveau individuel, les autorités misent aussi sur la prévention, comme les interdictions de feux en plein air qui sont rapidement déclenchées au niveau local ou cantonal. Plusieurs cantons ont d’ailleurs déjà pris de telles décisions ces derniers jours.
« D’autres initiatives sont bénéfiques. Au début des années 1990 par exemple, une loi pour améliorer la qualité de l’air au Tessin a interdit de brûler sur place les déchets végétaux. Conséquence, le nombre d’incendies de forêt a fortement diminué depuis », rappelle Boris Pezzatti.
Le danger de la foudre
Alors que 85% des départs de feux sont d’origine humaine, plus par négligence que par volonté criminelle, la prévention peut jouer un rôle important. Reste que le 15% des incendies sont naturels. Et c’est là où réside un potentiel danger plus difficile à gérer en Suisse. « Les feux dus à la foudre représentent déjà jusqu’à 50% des feux estivaux dans les années particulières et pourraient être plus marqués à l’avenir », explique l’expert du WSL.
Les feux dus à la foudre représentent déjà jusqu’à 50% des feux estivaux. [Arno Balzarini – Keystone]Ils se déclenchent généralement dans des endroits difficiles d’accès, dans des forêts de conifères où le tapis d’aiguilles favorise une propagation souterraine du feu. « Souvent, on ne les remarque pas immédiatement, ce qui retarde d’autant la possibilité d’intervenir. »
Si ce genre d’incendies ne représentent pas une menace directe pour la population puisqu’ils sont généralement éloignés des habitations, ils ont un réel impact sur la fonction protectrice des forêts, et pas seulement comme paravalanches naturels. « Les cendres rendent le terrain hydrophobe, ce qui augmente le risque d’éboulement ou de glissement de terrain », détaille aussi Boris Pezzatti.
Si la Suisse devrait rester épargnée par les méga-feux comme ceux de Gironde, le danger est toutefois bien réel. Et même s’il est trop tôt pour affirmer que les feux de forêt seront plus nombreux à cause du réchauffement climatique, l’augmentation des fortes chaleurs et des épisodes de sécheresse incite évidemment à la prudence et au respect des interdictions.
Victorien Kissling
>> Voir les explications de Jean-Marie Putallaz, ingénieur forestier en Valais: